En 1954, le SGV développe sa théorie des équilibres interprofessionnels champenois. Sur cette base, il propose aux négociants et aux vignerons de mettre en place un partenariat pour construire ensemble la réussite collective de l?appellation Champagne.
A la base, le Syndicat fait un constat d?échec : la délimitation de l?appellation a enfermé les vignerons et les négociants champenois sur le même bateau. Chaque « famille » dépend de l?autre, mais aucune des deux n?est vraiment performante. Une analyse qui est plusieurs fois développée dans La Champagne Viticole : « L?avantage du statut champenois est qu?il nous assure le monopole d?approvisionnement de tout ce qui s?appelle champagne. Le principal inconvénient de ce statut, s?il nous assure un monopole d?approvisionnement du négoce, est qu?il donne à ce dernier le monopole de nos débouchés. Or depuis 50 ans nous n?avons pas pu assurer un approvisionnement régulier de celui-ci. Et celui-ci, aussi morcelé que la viticulture, encore au stade artisanal, surchargé de frais généraux, ne se montre pas toujours capable de l?audace et des adaptations souhaitables. » Ainsi, le vignoble et le négoce sont placés face à face, en « chiens de faïence », également coupables de pas jouer correctement leur rôle sur la scène champenoise. Et chacun a régulièrement l?occasion d?accuser l?autre d?être responsable de son malheur. Comment sortir de ce cercle vicieux historique ? En comprenant qu?il faut ajuster l?offre et la demande : « Notre problème sera d?agir au mieux de nos possibilités pour que la commercialisation du champagne s?adapte au rythme de la production et que cette production tienne compte des nécessités commerciales d?un approvisionnement régulier. » Ni trop de raisins, ni pas assez ! Et pour y parvenir, il faut que chacun comprenne la problématique de l?autre. Jean Nollevalle explique dans un article titré « Tribune libre à un jeune négociant » que « Le syndicat n?est pas malthusien. Sa volonté est de voir l?organisation des débouchés aller de pair avec la production. Un négociant est maître de ses achats. Mais le vignoble, lui, une fois la vigne plantée, n?est plus maître de la production. Nous n?avons pas le droit de laisser s?organiser la surproduction de mauvais vins dont l?acheteur ne voudra qu?à vil prix (?). Nous voulons produire plus, mais nous ne voulons pas de déséquilibre. Le commerce craint pour ses approvisionnements et nous craignons au moins autant qu?il ne nous assure pas de débouchés suffisants. »
Maintain the overall balance
Pour résoudre le problème, Henri Macquart propose de construire un partenariat interprofessionnel. Il expose ses positions dans le cadre de l?assemblée générale de l?AVC : « Le vignoble entend s?adapter aux nouvelles nécessités et techniques. Mais il n?est pas douteux qu?il n?accepterait plus de faire seul les frais d?une crise éventuelle. Ce que les vignerons proposent donc au négoce, c?est un contrat de longue durée, loyal et équitable. Ce contrat doit permettre à notre région de connaître la stabilité économique et la paix sociale. C?est alors qu?on pourra espérer développer durablement la vente du champagne (?). Nous avons deux moyens, la coopération et l?interprofession. La coopération aura un triple rôle économique : effacer les dents de scie des récoltes irrégulières en constituant au vignoble le stock indispensable pour réguler les approvisionnements et assurer le développement des ventes ; donner au vignoble des groupements assez forts pour traiter avec le négoce ; et aussi donner à notre production un débouché d?appoint. Quant à l?interprofession, son rôle sera de maintenir l?équilibre général. » Le SGV fait également de la pédagogie vers ses troupes. Les viticulteurs et les coopératives sont invités à prendre conscience du fait qu?ils ne doivent pas se contenter de produire sans se soucier des débouchés : « Pour vendre, il faut un client. Il faut donc aller le chercher et le conserver. Votre syndicat voudrait changer cette vielle mentalité du vigneron qui voit dans le négoce, selon les cas, soit le Bon Dieu ou, plus souvent, l?Exploiteur. Le négociant est le client. Il faut le satisfaire puisqu?il paie et s?en faire un ami. En Champagne comme partout, c?est la relation personnelle, c?est l?amitié qui est le meilleur gage de la stabilité des débouchés. » Ainsi, Henri Macquart et Jean Nollevalle ont identifié la nécessité de réguler le marché des raisins et proposent aux Champenois une théorie intelligente et des actions concrètes pour dépasser leurs luttes intestines. « Si notre contrat d?association est franchement appliqué, la communauté champenoise offrira un front commun aux difficultés : elle conservera son autonomie et sa force et notre vin prestigieux pourra répandre ses bienfaits dans le monde entier. » Quelque 60 ans plus tard, au regard de l?incontestable réussite de la filière, on ne peut qu?admirer la perspicacité de ces hommes très visionnaires. Néanmoins, en 1954, la proposition partenariale du SGV va se heurter à la réalité du moment. Le contexte n?est absolument pas favorable à l?entente interprofessionnelle : en effet, les ventes de champagne ne décollent pas et l?on peut présager que l?offre du vignoble à la vendange sera très supérieure aux besoins du négoce?
On August 6, the SGV board of directors meets to examine the situation of the vineyard as the harvest approaches. And what we had feared for several months is confirmed: the standing harvest is abundant in an unfavorable economic context. In fact, the supply of the vineyard should be between 115,000 and 140,000 pieces while the demand from the merchants will not exceed 100,000 pieces at most. We can already anticipate the consequences of this imbalance: the big brands will buy their needs in 100% vintages and the other vintages will only find buyers at 30 or 40 F / kg at risk, otherwise, of not selling their grapes or not getting paid. . Immediately, the SGV is put into battle order: the board of directors decides that it is imperative to organize a blockade to rebalance supply and demand. The general assembly continues, but we can imagine that the debates are heated there because the SGV resigns itself to asking for a differential block according to the vintages: 4,400 kg / ha for the most popular vintages, 3,800 kg / ha and 3,300 kg / ha. Beyond these thresholds, the wines will not have the appellation and, therefore, cannot be placed on the market. Information spreads quickly to establish ad-hoc organization. Wine growers must prepare to house the surpluses and therefore must bring barrels. They will not have to depend on the groups between merchants because they will be prohibited. In addition, to avoid the temptations of fraud, a display of the areas declared by each collector will be made, which will allow defining for each free and blocked volume and organizing the distribution of purchases. But the trade disagrees, and in September the price meeting is going particularly badly. According to the La Champagne Viticole editorial, “The very principle of interprofessional organization and its existence was almost questioned. The merchants demand a price of 105 francs and reject the blockade. At the end of a never-ending meeting on Saturday, no agreement was reached. On Monday, the prefect of Marne, Pierre Chaussade, caused an electric shock by announcing that he will only arbitrate if the trade accepts the blockade. It also specifies that, in the event of having to impose a substantial drop in the price of the grape, in the same decision it will impose a drop in the price of the bottle, after reviewing the price of the grape. To avoid authoritarian arbitration, the merchant agrees to the lock. And the vineyard accepts a price of 123 francs in exchange for the commitment of the merchants to apply a reduction in the price of the bottle to boost sales dynamics. After the harvest, we see that the income from the trade slightly exceeds the production of the field, that the vine growers of all sectors were able to sell and that the price of the kilo did not collapse. In October, the union magazine paid tribute to the prefect and pointed out that “this harvest will be one of the most painful of which a man can know”. However, the organization worked and “we have a rich experience of lessons, which allows us to improve the system if it had to be renewed.” In December, La Champagne Viticole announced the opening of the clear wine market and the launch of blocked wines up to 4,500 kg / ha. The SGV is not worried, because the fall in the sale prices of champagne has begun and should allow a revival of the markets. We are also seeing a recovery in sales in France.